L'échographie et l'erreur de diagnostic
« Mme B Y a été suivie pour sa première grossesse par le docteur X, exerçant à titre libéral au centre hospitalier Rafalli à Manosque. La date présumée du début de grossesse a été fixée au 20 août 2012. Une première échographie a été réalisée le 5 novembre 2012 à 13 semaines d'aménorrhée et il y est noté que le rachis est d'aspect normal pour le terme. Une seconde échographie du 14 janvier 2013 à 23 semaines d'aménorrhée note une « croissance satisfaisante. Absence d'anomalie morphologique cou graphiquement décelable » et « rachis : suivi sur toute sa longueur, sans défaut de fermeture postérieure décelable ». Une troisième échographie a été effectuée le 18 mars 2013 à 32 semaines d'aménorrhée. Elle a mis en évidence au niveau du cerveau, une dilatation des ventricules avec un aspect d'hydrocéphalie, et au niveau du rachis un spina bifida lombaire et aspect de myelomeningocele.
La patiente qui a été informée des constatations a été adressée au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de l'hôpital de la Timone à Marseille. Une interruption médicale de grossesse a été pratiquée le 29 mars 2013. »
Selon ordonnance du 19 décembre 2013 le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a ordonné une expertise confiée au docteur J K.
Par actes du 6 janvier 2015, Mme Y et M. D Z son compagnon, ont fait assigner le docteur X devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, pour voir statuer sur sa responsabilité qu'ils estiment engagée à raison des manquements affectant la prise en charge échographique de la grossesse, mais aussi de son comportement à l'annonce du diagnostic de spina bifida et ce, en présence de la Cpam des Alpes de Haute Provence."
La Cour a décidé:
Le manquement du docteur X qui a été définitivement jugé par le premier juge repose sur le fait de ne pas avoir porté à la connaissance des parents que la situation du rachis ne pouvait pas être observée et que les doutes relatifs à une pathologie liée ne pouvaient pas être levés. Il a estimé que le préjudice s'analyse en une perte de chance consistant pour eux à avoir été privés de la possibilité de connaître, par d'autres vérifications, la situation de leurs fœtus, neuf semaines plus tôt.
Les conséquences du manquement du docteur X, qui lors de la seconde échographie s'est borné à indiquer que le rachis suivi sur toute sa longueur était sans défaut de fermeture postérieure décelable, sans délivrer aux parents une information complète, puisqu'il a omis de préciser que la position fœtale ne lui permettait pas de visualiser correctement le rachis, dont l'examen révélera, lors de la troisième échographie un spina bifida lombaire avec aspect de myelomeningocele, avec en outre une dilatation des ventricules et aspect d'hydrocéphalie, s'analyse effectivement en une perte de chance. S'il ne peut être admis de manière indubitable qu'un nouvel examen aurait pu permettre de déceler l'anomalie du rachis, il existe une probabilité, que la cour évalue à 90% que cette anomalie ait été détectée à plus ou mois 23 semaines d'aménorrhée, et non pas lors de la troisième échographie réalisée à 32 semaines d'aménorrhée.
Le projet parental a été conforté au cours des neuf semaines qui ont séparé les deux échographies. La grossesse s'est prolongée inutilement pendant ce laps de temps, rendant l'interruption médicale de la grossesse à 7 mois plus lourde que si elle avait été réalisée à 5 mois.
Le préjudice moral, lié à la perte de chance sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 6.000€ allouée à M. A et par celle de 10.000€ évaluée au profit de Mme Y, qui, au-delà de l'aspect psychologique a dû subir une intervention physiquement traumatisante à plus de 7 mois de grossesse, soit la somme de 5.400€ (6000€/90%) revenant à M. A et celle de 9.000€ (10.000€/90%) revenant à Mme Y.
CA Aix-en-Provence, 10e ch., 21 sept. 2017, n° 16/11824.