L'accident du cycliste et le droit à l'indemnisation

27/10/2021

Le 18 juin 2020, M. X circulait à Paris, tournant brusquement à gauche pour rejoindre la rue de Castiglione il a été renversé par un scooter appartenant au ministère de l'Intérieur et conduit par un policier.

M. X a souffert de blessures importantes qui ont nécessité une opération chirurgicale en urgence.

M. X a assigné l'Agent judiciaire de l'Etat, la CPAM de Paris et la société Swisslife devant le juge des référés. Il lui a demandé de:

- ordonner une expertise judiciaire ;

- condamner l'Agent judiciaire de l’État à lui verser les sommes de :

• 15 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel

• 4 000 euros à titre de provision ad litem

• 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 16 novembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel souffert par M. X suite à 1'accident de la circulation dont il a été victime à Paris le 18 juin 2020,

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction le docteur B C, lequel pourra s'adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne, dont les conclusions seront prises en considération pour la détermination des différents postes de préjudice et annexées au rapport,

- fixé la mission de l'expert,

- fixé à la somme de 1 200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d 'expertise qui devra être consignée par M. X au plus tard le 26 février 2021,

- débouté M. X de ses demandes de provisions,

- rejeté sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile,

La Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 6 mai 2021, n° 20/17283 a estimé :

Aux termes de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, 'les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident'.

Seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (2e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 18-14.125, 18-15.855 )

En l'espèce il ressort de la relation des faits par les deux parties et des pièces qu'ils ont versées aux débats relativement à la configuration des lieux:

- que l'accident s'est produit de jour, à 9H10 le 18 juin 2020, qu'il faisait beau et que la route était sèche,

- que M. X circulait [...], sur une piste cyclable,

- qu'il a tenté de rejoindre la rue de Castiglione,

- qu'il a ce faisant coupé la route à un scooter circulant sur la voie réservée habituellement aux seuls bus et taxis, mais exceptionnellement ouvertes depuis le 11 mai 2020 ' aux bus taxis, véhicules de livraisons, véhicule de secours, de soignants, personnes handicapées et riverains'

- que juste avant l'entrée de la rue Castiglione se trouve un passage piéton que le conducteur du scooter, qui a démarré au feu vert, a franchi avant de percuter le cycliste.

Du plan versé aux débats par l'Agent judiciaire de l'Etat, et du témoignage de M. D, témoin des faits, il ressort qu'à la hauteur de la rue de Castiglione, un espace est aménagé, juste avant le passage pour piétons pour permettre aux cyclistes de quitter la piste cyclable et de tourner à gauche.

Selon le témoin, M. X circulait sur la piste cyclable temporaire séparée de la voie de circulation en sens inverse par de gros séparateurs de béton, permettant le passage d'un cycliste.

Selon M. Y, lui-même a d'abord circulé sur la piste cyclable bidirectionnelle, avant de traverser, pour tourner, d'abord la piste cyclable temporaire, puis la voie de circulation réservée.

De même soutient-il que le conducteur du scooter, qui n'est pas un véhicule de secours et n'établit pas avoir été en fonction, n'était pas autorisé à circuler dans la voie qu'il a empruntée, alors que l'agent judiciaire de l’État se prévaut de l'article 5 de l'arrêté n° 2020 T 11028 du 7 mai 2020 qui, pour certaines parties de la [...], ouvre la voie réservée aux 'véhicules des services publics dans l'exercice de leurs missions'.

Il en résulte que si les parties ne sont pas d'accord sur l'ensemble des circonstances de l'accident, M. X a néanmoins incontestablement commis une faute en ne cédant pas le passage au véhicule à moteur dont il coupait la route pour se rendre dans une rue qui n'était pas ouverte dans son sens de circulation.

Cependant, même à supposer qu'il soit en outre retenu qu'il circulait sur la mauvaise partie de la voie cyclable, et qu'il a tourné brusquement pour rejoindre une voie qui ne lui était pas ouverte, en tout état de cause, ces seules circonstances ne sont manifestement pas susceptibles de constituer une faute inexcusable au sens de l'article précité, qui est réservé aux 'hypothèses exceptionnelles où le comportement de la victime a véritablement été asocial'.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de provision à hauteur de la limite non contestable de la provision, le surplus relevant du juge du fond.

Une expertise a été ordonnée et elle permettra au juge d'apprécier le préjudice subi par

M. X en tenant compte du recours des organismes sociaux et des préjudices personnels.

Néanmoins, d'ores et déjà compte tenu des blessures occasionnées, mais également des sports pratiqués (escalade, sport de combat), de la destruction d'effets personnels, il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 10 000 euros.

A défaut de toute offre dans les conditions de l'article L 211-9 du code des assurance, cette somme produira intérêts conformément aux dispositions de l'article L 211-13 du code des assurances au double du taux de l'intérêt légal, à compter du 19 février 2021, soit 8 mois après l'accident.

Sur la provision ad litem

Le caractère non contestable de la somme réclamée à titre de provision ad litem n'est établi qu'à hauteur de 1 200 euros provision fixée pour l'expertise.

En conséquence la Cour d'appel de Paris a condamné l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M. Z X une indemnité provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'ensemble de ses préjudices outre la somme de 1200 euros à valoir sur les frais d'expertise.