La responsabilité du médecin échographiste et les actes de prévention de la trisomie 21
Mademoiselle X..., âgée de 25 ans, était suivie par le Docteur Z..., gynécologue, depuis 1997, s'est rendue chez ce dernier le 15 mai 2000 pour avoir confirmation de son état de grossesse ; que celle-ci a été datée comme étant à 7 semaines et 3 jours par le praticien après avoir pratiqué une échographie précoce dite de datation.
Au cours de ce rendez-vous, Mademoiselle X... a fait part à son médecin de son intention d'accoucher à Strasbourg au Centre médico chirurgical obstétrical (CMCO) plutôt qu'à OBERNAI où le Docteur Z... pratique les accouchements pour des raisons de commodité d'accès à la période prévue pour la naissance (25 décembre), indiquera-t-elle à l'expert ; que le Docteur Z... lui répondait alors qu'elle devait se faire suivre par le CMCO ; qu'il lui prescrivait les examens biologiques obligatoires et (que) sa déclaration de grossesse lui était remise.
L'expertise met en évidence que Mademoiselle X... ne présentait pas, compte tenu de son âge, de son état de santé, de ses antécédents familiaux, des risques décelables d'anomalie chromosomique pour son enfant qui auraient dû conduire le praticien à orienter celle-ci vers des examens particuliers dès le début de la grossesse ; que l'expert précise, par ailleurs, que si l'on fait la " chasse à la trisomie 21 "- ce qui n'était pas le cas dans le cadre du suivi de la grossesse de Mademoiselle X..., l'échographie de la 12ème semaine est la plus importante, mais que si l'on recherche d'autres anomalies, cette échographie peut être faussement rassurante, et qu'il faudra attendre la seconde, voire la troisième.
Que le praticien écrira à l'expert qu'il ne se souvient pas s'il a informé ou non Mademoiselle X... de la possibilité de faire pratiquer une échographie à la 12ème semaine d'aménorrhée permettant notamment de déceler une trisomie 21 foetale-examen qui ne pouvait avoir lieu que 5 semaines plus tard pour être pertinent-mais qu'en tout état de cause il était certain que le CMCO qui devait suivre la grossesse ferait pratiquer cet examen ; que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il ne lui a pas fait de prescription pour l'examen d'échographie morphologique dite du " premier trimestre " ;
Que Mademoiselle X... reprendra rendez-vous avec le Docteur Z... à la fin du mois de juin pour le 3 juillet ; qu'à cette date, sa grossesse est à 15 semaines d'aménorrhée et que la proposition de faire réaliser une échographie du 3ème mois, qui aurait éventuellement permis de déceler une " nuque épaisse " n'est plus possible, un tel examen devant impérativement avoir lieu entre la 11ème et la 14ème semaine ; que le Docteur Z... informait alors Mademoiselle X..., comme il en avait l'obligation à ce stade de la grossesse, de la possibilité de faire réaliser un dépistage sanguin du risque de trisomie 21 foetale, des limites de cette analyse et des implications en cas de risques élevés et remettait à Mademoiselle X... les documents relatifs à cette information ;
Que le déroulement chronologique des rapports entre le praticien et Mademoiselle X... au début de sa grossesse montre clairement qu'à l'issue du premier rendez-vous du 15 mai, la grossesse de Mademoiselle X... ne devait pas être suivie par le Docteur Z... mais par le CMCO de Strasbourg ; que dans ces conditions, alors que l'échographie de la 12ème semaine ne pouvait s'envisager que semaines plus tard, ce qui permettait à sa cliente de prendre attache avec le CMCO pour y être suivie de manière satisfaisante et que, par ailleurs, aucun élément-santé, hérédité ou antécédents-n'imposait au praticien de mettre en garde de manière plus pressante sa patiente des risques qu'elle présentait, il ne peut être reproché à Monsieur Z... de ne pas avoir, dès le 15 mai 2000, informé Mademoiselle X... qu'elle pouvait faire pratiquer une échographie à la 12ème semaine dans le cadre de la détection des signes de la trisomie et de ne pas la lui avoir prescrite ;
Qu'enfin, l'expert indique ignorer si le Docteur A..., qui a pris connaissance des résultats écrits de ces marqueurs sériques, s'était enquis de l'existence d'une échographie morphologique de la 12ème semaine pour conforter ces résultats ; qu'il note également que les documents relatifs aux échographies pratiquées par la suite ne lui ont pas été transmises et qu'en l'absence de leur examen par un expert en échographie obstétricale, il n'y a pas la possibilité de vérifier ou non de signes qui auraient dû nécessiter le recours à un caryotype tardif ;
Que l'absence de suivi médical de Mademoiselle X... pendant le mois suivant ce premier rendez-vous n'est pas imputable au Docteur Z... ;
Que d'autre part, la Cour constate que l'expert précise qu'une échographie morphologique ne permet de dépister une " nuque épaisse " que " dans 70 % des cas " ; que cette incertitude ne permet donc pas d'établir un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi par les demandeurs ; qu'il n'est pas certain non plus que ce signe de la " nuque épaisse " qui peut également être constaté, selon l'expert, chez 5 % des enfants normaux, s'il avait été décelé lors d'une échographie à la 12ème semaine, aurait influé sur la suite de la grossesse de Mademoiselle X..., alors que l'examen sanguin du 21 juillet n'a fait apparaître qu'un risque très minime de 1 / 1320 compte tenu de l'âge de Mademoiselle X... et de 1 / 1470 compte tenu des marqueurs biologiques et que les échographies qui ont été réalisées par la suite n'ont mis en évidence aucune anomalie neurologique cardiaque ou digestive avec la trisomie 21 foetale ;
QU'en conséquence, en l'absence de faute commise par le Docteur Z... et d'un lien de causalité établi entre la faute alléguée et le préjudice dont se prévalent les demandeurs, la Cour confirme la décision des premiers juges
Or, la Cour de cassation a décidé:
Qu'en vertu de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique: Tout professionnel de santé a la charge, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables de procéder à l'information des personnes sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui leur sont proposés quant à leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus et que seule l'urgence ou l'impossibilité d'informer peut l'en dispenser ;
Que l'échographie constituait le moyen le plus fiable et le plus adapté de déceler, par la mesure de la nuque du foetus, une éventuelle trisomie 21, à condition qu'il soit pratiqué dans les délais indiqués, que l'existence d'une nuque épaisse de plus de 3 mm à 12 semaines d'aménorrhée constituait une indication de caryotype, que cette analyse se pratiquait sur le liquide amniotique prélevé à 17 semaines par amniocentèse et qu'il était dès lors possible, si se révélait une trisomie 21, considérée comme une affection incurable et d'une particulière gravité, de recourir à une interruption de grossesse, de sorte que M. Z..., qui n'était pas dispensé de son obligation d'information par l'intention, d'ailleurs non suivie d'effet, exprimée par Mme X... de consulter un autre médecin, avait, par son abstention, privé celle-ci de la possibilité d'obtenir un des éléments du diagnostic de la trisomie 21 du foetus, lequel lui aurait permis d'exercer le choix éclairé d'interrompre ou non sa grossesse, la cour d'appel a violé le texte susvisé .
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 mai 2010, 09-11.157, Inédit